Bruce Springsteen

24 mai 2003 - Stade de France - St Denis

Ce grand rassemblement rock au SDF obligeait notre équipe à se rendre sur place… compte rendu, une fois n'est pas coutume, avec 2 points de vue.

 
 
  Par Edouard  
 
  Je dois d'abord avouer mon ignorance crasse de la musique du Boss. A part "Born in the USA" et "Philadelphia" je suis infoutu de reconnaître une de ces chansons. J'y allais donc sans a priori et sans attentes particulières non plus.

On se pointe devant les portes vers 16h et des brouettes. Petite attente puis petite frayeur (les billets achetés à la FNAC ont du mal à passer les lecteurs optiques du SDF, il parait que c'est courant) mais à 18h le mot d'ordre est lancé : "ON CHABLE!!". On se pète un sprint et on se retrouve tous au dixième rang. Pas le temps de souffler qu'un petit gus à casquette pourrie se pointe sur scène et commence à jouer à 18h15 pétantes. C'est lui!! Incroyable mon garçon, c'est sa manière de remercier les fans qui ont fait le pied de grue depuis le matin. Sympa le Boss, on a donc le privilège d'écouter 3 titres en solo et en acoustique : "Growin' up", "This hard land" et "Est ce que ce bus s'arrête bien à la porte de St Ouen" ou un truc du genre...C'est du délire chez les fans, 15 minutes de Springsteen bien tassé. On est content, moi aussi, c'était bien.

Commence alors une nouvelle attente sous un temps pas forcément clément. Puis à 20h30 début du concert et de la grosse flotte. Le Bruce attaque par une reprise de bon aloi "Who'll stop the rain" de John Fogerty. Oui mon vieux parce que ça sauce dur pendant 4 ou 5 morceaux. Et à part la météo c'était comment? Ben je suis pas vraiment convaincu et autant lâcher le morceau tout de suite la musique du Boss me laisse indifférente et parfois m'emmerde...Aie! Premier reproche, pas inhérent à sa musique mais à notre placement ou à la sonorisation : le son. Brouillon, peu ou pas précis, c'est un méli-mélo sonore. Difficile d'apprécier chaque instrument séparément, d'entendre un solo de guitare ou de saxo. Second point : la femme du Boss. Patti Scialfa. Elle me semble (et à d'autres) complètement à coté de la plaque. En dehors du ton, c'est vraiment criard. Le groupe du Boss me semble également sous employé. A quoi servent ces 3 ou 4 guitares? les deux claviers ? Ils se partagent les rôles, les uns après les autres mais quid de leur utilité à tous? Cela s'applique tout particulièrement à Steve VanZandt qu'on entendra réellement qu'après une heure de show. Enfin intrinsèquement les morceaux du Boss me laissent froid en général. Les gros riffs qui tachent, les envolées lyriques "Lalalala", les poses Spinal Tap, quelques ballades à la limite du pathos, les solos systématiques au saxo de Clarence Clemons ... bof, bof, bof...

A contrario, je m'incline humblement devant la bête de scène et le show prodigué. En voila un qui n'a pas volé sa réputation et qui ne se fout pas de la gueule de son public. 2h45 de concert avec 3 rappels, une parfaite implication du Boss et de son groupe. De l'énergie et de la puissance. Et puis j'ai quand même accroché sur quelques titres (les plus dépouillés) et sauté à pieds joints sur quelques rares (trop rares) autres morceaux. Sur le rappel final, une seconde énorme averse nous tombe sur la tronche alors que l'on commençait à sécher. Putain de merde, elle va jamais s'arrêter! Le Boss, hilare en voyant ça, nous en refait une spéciale petite dernière pour nous consoler...Putain de merde, il va jamais s'arrêter!

PS : déception de voir un stade de France pas franchement plein (60 000 personnes environ). La désaffection du public "rock" se confirme tristement de plus en plus. Match retour le 9 juillet pour les Stones.

 
 
  Par Laurent Peiffer  
   
  Un samedi soir au stade de France.

29 juin 1985, La Courneuve, le born in the USA tour, j'y étais. Je ne connaissais rien du Boss et de la bande de la rue E. Ca n'allait pas durer longtemps mais je ne le savais pas encore, avant d'entendre la foule reprendre en cœur, comme un seul homme et au quart de tour, le refrain de la chanson qui donnait son nom à cette tournée mondiale. Frisson électrique.

24 mai 2003, Stade de France. J'attendais le moment depuis quelques semaines déjà sans vraiment en faire un plat. Les meilleures surprises sont celles auxquelles on ne s'attend pas. Peu convaincu par le dernier opus du groupe, c'est sans frénésie particulière que j'attendais la date fatidique. Il faut dire que depuis l'entame de sa carrière solo, fin 80, la marque de fabrique Springsteennienne a quelque peu évolué. Marquant parfois même une rupture singulière entre le rock'n roll pur jus, au moins dans l'esprit, que nous assénaient Springsteen et ses acolytes entre 75 et 85. Sans pour autant lui dénier une réelle inspiration, la nouvelle voie musicale alors choisie tranchait pour le moins avec la musicalité des précédents albums, de Greetings from Asbury Park à Nebraska. Ce changement, le E Street Band du s'y adapter, voire s'y conformer pour la reformation du combo légendaire dont la réputation musicale et " on stage " est loin d'être surfaite. J'avais des craintes donc, même si la perspective d'une tournée des p'tits gars du New Jersey après plus de 10 ans de vie séparée, immortalisée par un album live au Madison Square Garden de NY, véritable renaissance soit dit en passant, pouvait être annonciateur d'une bonne performance. Crainte vite oubliée.

18 h, à peine arrivé devant la scène, on voit se pointer, casquette engoncée sur la tête et presque méconnaissable, look teennager , guitare acoustique en bandoulière, le boss pour une prestation rare et inattendue. Tranquille, tout heureux devant les fans qui n'en croient pas leurs yeux, il nous gratifie de 3 morceaux et repart comme il est venu, see you later ! Encore 2 heures à attendre entre les ondées passagères et les blagues Belges, pas pire.

20 h 30, le show commence alors qu'il s'est mis à pleuvoir dru depuis peu. Le groupe commence par une reprise de CCR et " un who'll stop the rain " de circonstance. C'est déjà du délire dans le stade ou se sont massés 50000 personnes, rien que ca. Viennent ensuite 2 titres du dernier album, " the rising " et " lonesome day " puis " the thies that bind " et " my love will not let you down ", c'est de la folie pure, tout le monde saute littéralement et la messe est dite. Il en sera ainsi pendant près de 3 heures. Le groupe jouera un répertoire accès sur des reprises de la période 75-85 en y incluant de large extraits du dernier album. Exit la période solo du Boss, 87-95. Le concert alternera entre les morceaux d'anthologie (jungleland, out in the street), des ambiances ballades (waiting on a sunny day, trapped ) et un registre intimiste en duo avec the first lady of the Band. Moments introspectifs ou le silence est requis, pour mieux rendre hommage aux héros malheureux qui illustrent parfois les textes des chansons du Boss. Tout ça sans délaisser pour autant les instants d'énergies pures et condensées (badlands, the promised land, be true ) ou tout le monde reprend en cœur, un tel en yaourt et moi le premier, les refrains des chansons. Mais que dire de la musique si on ne parle pas des clowneries et des simagrées du Boss, il n'arrête pas ! Tantôt debout sur le piano, une autre fois pendu, la tête en bas, au pied de son micro, du jamais vu en ce qui me concerne, cavalant, glissant, j'en passe et des meilleures, parcourant la scène de long en large, il en fait des tonnes pour le plus grand bonheur de l'assistance subjuguée. Le spectacle est unique et le E Street Band, Clarence Clemons et Steve Van Zandt en tête, ne se compare à aucun autre groupe, toute prétention gardée. C'est leur truc, leur créneau, il le font depuis prés de 30 ans et toujours avec la même joie, partagée, même si on sent bien qu'ils le font chaque soir, rien à foutre, du reste !

Bémol à ce concert oserais je dire mémorable, le son. A trop vouloir gagner sur l'aspect visuel du show, on a du coup bénéficié d'une sonorisation trop moyenne qui devait gagner en qualité lorsque l'on s'éloignait de la scène. Cela peut s'avérer être un sérieux handicap pour ceux qui ne connaissaient pas grand chose au répertoire. Mais quand même, ils ne devaient pas être nombreux à Saint Denis ce soir la à repartir insatisfait. Pour ma part et vous l'avez déjà compris, après deux rappels, dont un de 20 min " pur rock ", clôturés par un dancing in the dark qui a fait dansé tout le stade, j'en redemandais encore !